Quatre créateurs se réunissent dans une perspective interdisciplinaire pour œuvrer ensemble durant quatre jours au terme desquels, le public est invité à découvrir les créations de cette rencontre.En chantier
n’est pas une métaphore, mais un parallèle avec le projet de rénovation écologique mené par Laurent Brunet, peintre et plasticien, qui a invité deux autres plasticiens, Pierre Garel et Oscar Yana, et la danseuse chorégraphe Cecilia Ferrario, pour un projet in situ, de rencontre et de création. Recherches, improvisations, réalisations expérimentales : peintures, installations, performance chorégraphique ou autres surprises… dont les contours véritables se dessineront au moment même de la rencontre.
Oscar Yana
La mesure du temps et de l’espace
Oscar Yana, né en Bolivie où il retourne régulièrement, revendique une dialectique complexe entre l’héritage de la culture andine traditionnelle, et les enjeux de l’art contemporain à travers une diversité de pratiques qui sont adaptées à chacun de ses projets.
Pour la résidence de Kergoat, il a d’abord pensé à installer des tipis sur le pré, il s’agissait de proposer un mode d’habitat intemporel de l’espace naturel. Des contraintes matérielles vont faire évoluer son projet vers une installation circulaire au sol apparentée au land art, ainsi que des bannières solidement arrimées par des cordages aux conifères bornant la propriété vers le nord. Ces bannières fabriquées à partir de voiles de spi sont vivement colorées d’une variété de motifs géométriques peints qui traduisent un langage composite situé à mi-chemin entre des motifs traditionnels indiens et la géométrie abstraite de l’art moderne. Chaque bannière se distingue de la suivante, par la forme de l’étoffe : triangle effilé, rectangulaire allongée ou proche du carré, autant que par les motifs dont elle est peinte ainsi que dans sa façon de danser lorsque le vent souffle. Indépendance formelle et unité de l’ensemble, ces oriflammes cohabitent à la manière d’emblèmes de différentes tribus réunies pour quelques jours. Avec un peu de recul, on constate que le haut de la ligne des bannières, cette corde tendue, joue avec la ligne d’horizon, arrondies par la forme des collines lointaines. Ligne qui la redouble, s’en détache au gré du vent, les bannières tout à la fois dissimulent et révèlent le paysage, elles jouent avec lui.
L’installation en cercle a été quant à elle intégralement fabriquée in situ, à partir d’un matériau récupéré sur le site : le foin du pré. Plutôt que d’entamer une botte neuve, Oscar a préféré piocher dans un tas de foin mêlé de poussière de chaux qui avait servi d’isolation de fortune dans la maison. Il va structurer des formes avec du papier, le foin est agrégé au moyen d’un jus de colle et maintenu par de fines ficelles invisibles. Chaque forme, d’un volume sensiblement égal, une fois sèche, sera assez solide pour soutenir le corps assis. Chaque “ boule ” de foin sera colorée au moyen de bombes aérosol, de cinq couleurs : trois sombres : bleu, vert, rouge violacé, et deux plus vives, rouge fluorescent et argent. Le cercle est ainsi constitué : argent, fluo, aubergine, vert, fluo, bleu, argent, vert, aubergine, fluo, vert, bleu. La séquence des couleurs est irrégulière, sans symétrie, répartie par occurrences de deux ou trois. On aura remarqué le nombre de plots, douze, qui suggère la tempoalité, entre le cadran de l’horloge, et les douze mois du calendrier. On constate encore que les deux plots argentés sont alignés dans l’axe du terrain, nord-sud, pointant vers les bannières claquant au vent.
Une interaction dialectique se produit entre l’installation et les bannières. Horizontalité et verticalité, disposition circulaire et linéaire, statique et dynamique, proche et lointain. Voilà pour ce qui distingue ces deux parties de l’installation de Oscar Yana. Pour ce qui les rapproche, la présence et le langage de la couleur, instituant des rythmes et des contrepoints, la constitution d’un ensemble (cerce ou ligne) à partir d’éléments indépendants. Dans les deux cas, c’est la circulation qui régit ces œuvres : l’air circule entre les bannières, qui cachent et pointent vers les lointains, tandis que l’espace régulier entre les douze plots posés au sol, invite le spectateur à circuler aisément, pour pénétrer le cercle, s’en approcher et s’en éloigner.
Pierre Garel
Un art orienté
Pierre Garel vit et travaille au Burkina Fasso depuis 2001. Il est à l’origine de la création d’un collectif d’artistes à Ouagadougou, le Hangar 11, et il organise également les Dplacés, des événements artistiques en Afrique de l’Ouest. Agir artistiquement sur le thème du déplacement, de la multi-culturalité et de l’altérité
tel est l’esprit de ces manifestations d’art contemporain. Lors de son déplacement en France, durant l’été 2014, Pierre Garel a travaillé dans l’esprit des Dplacés. Peintre, plasticien, il intègre la photographie à ses compositions ainsi que différents matériaux ou objets, dans une continuation des combine paintings
de Rauschenberg. Puis il réalise des installations, dans lesquelles des éléments hétérogènes (tableaux, photographies, objets d’emprunt ou de récupération, déchets, éléments végétaux, et parfois animaux vivants, etc.) sont reliés à la manière d’une composition, ce en quoi l’œuvre de Garel demeure pour une part dans une problématique picturale. Mais il pratique également la performance, le plus souvent en résonance avec ses installations.
Pour ses projets artistiques nomades, Pierre se déplace, à l’instar d’un voyageur émigré, avec une grande valise contenant tout un catalogue de ressources, outils, et surtout matériaux, dans lesquels il puise en fonction du projet du moment. Depuis quelques années, ses projets s’articulent autour d’une trame narrative qui sert de prétexte à son travail plastique et offre aussi au spectateur des éléments d’analyse et de compréhension de sa démarche créatrice. À Kergoat, il s’est identifié à un ouvrier burkinabé, créant une espèce de cabane, orientée vers le sud, par nostalgie avec son pays. Cette trame une fois établie, il explore le site pour la mise en place de son projet. Prise en compte architecturale et contextuelle, recherche de ressources matérielles. Le hangar sera son lieu d’élection, un espace semi-ouvert, protégé d’un toit. Il récupère également des matériaux provenant du tas de gravats, ou destinés à la déchetterie, emprunte d’autres objets ou outils, dont la totalité sera restitué : le nomade évite de trop alourdir son bagage. Ainsi, à la migration de l’ouvrier, fait écho une migration des objets prenant, par ce déplacement, un sens nouveau, questionnant le spectateur après avoir interpellé l’artiste. Un des points remarquables de ce travail est le côtoiement des objets provenant du Burkina et ceux récupérés sur place. Si certains ont valeur d’emblème et revendiquent leur appartenance locale et culturelle, telle l’ardoise bretonne ou les gousses et graines africaines, le néré et le soumbala, tantôt ils apparaissent métissés, indistinctement. C’est que l’ensemble de ces éléments est régi par un parti-pris formel et chromatique, qui accentue l’unité de l’ensemble. Depuis longtemps, Pierre Garel utilise quasi exclusivement les couleurs jaune et noire, avec leurs nuances et mélanges. Le choix des formes est également déterminant, on constate de nombreux éléments circulaires qui tranchent avec de grands tracés incisifs, orthogonales ou triangulations s’entrecroisent. Si pour l’essentiel l’installation consiste en un ensemble d’éléments posés au sol, il y a également quelques suspensions, créant une tension. L’installation est parachevée par deux sortes de ruban tendus qui ont deux fonction : délimiter le périmètre et entraver la circulation, sans l’empêcher totalement.
Pour sa performance, Pierre Garel inventera le personnage de l’arpenteur. Le masque blafard, celui-ci évolue avec un mètre ruban, évidemment jaune et noir, qu’il déploie entre divers objets, entre le corps des spectateurs et l’architecture, affectant un grand soin pour effectuer ses mesures. Ce personnage, s’il continue assurément de donner quelques clefs sur la genèse de son projet artistique, où l’on a vu que tracés et mesures sont déterminants, semble aliéné par son activité d’arpenteur devenue une fin en soi. L’obsession répétitive prive l’homme de sa liberté et cette aliénation fait de lui un spectre. Accompagnant la performance de Cecilia, il a circulé de la maison au site de sa performance pour terminer, immobile, prostré ou pensif, assis, la tête entre ses mains.
Comme l’inventaire des matériaux nous le suggère, comme les dispositifs le confirment, et les écrits de l’artiste nous l’expliquent, le travail de Pierre Garel possède une indéniable dimension critique, voire politique. Exploitation économique, mépris écologique, désastre culturel et social, sont dénoncés notamment dans le contexte des rapports nord-sud. Le langage plastique de l’artiste participe de ces réflexions, s’en nourrit et développe un esprit de résistance. Si elle est irriguée par un regard critique et une vision du monde, l’œuvre plastique n’est pas assujettie à un discours, mais conserve sa dimension esthétique.
Cecilia Ferrario
Une esthétique relationnelle
Cecilia Ferrario, danseuse et chorégraphe est née à Milan et vit en Bretagne où elle a fondé la compagnie É pericoloso sporgersi
en 2002. Ses références chorégraphiques sont liées à la danse contact, telle que Steve Paxton la pratique et la théorise. Cette forme de danse qu’elle pratique est adaptée à l’improvisation car elle n’est pas régie par une chorégraphie écrite à l’avance. Aussi a-t-elle accepté de relever le défi proposé à Kergoat pour le projet En chantier
. Les contraintes étaient l’absence de scène, un lieu constitué de différents pôles, entre lesquels les travaux en cours, de démolition et de charpente notamment, offraient de nombreuses embûches. En outre, son espace de jeu était principalement en extérieur, avec l’incertitude météorologique que cela implique.
D’emblée, Cecilia Ferrario s’est impliquée à la fois par rapport au lieu et puis aux plasticiens présents, et à leur travail dont elle a suivi l’élaboration. Dans un tel contexte, la chorégraphie est surtout une adaptation aux contraintes du moment présent, transformer les difficultés en atout est peut-être la vocation de toute création, et de la danse par dessus toutes.
Une première visite à Kergoat, quelques jours avant la résidence lui a permis de repérer les lieux, et d’emblée elle a dansé sur le site pressentant des pistes possibles qui se confirmeront autant qu’elles se modifieront en situation. Pour cette résidence, Cecilia avait un « partenaire », sous la forme d’un tulle noir aux reflets bleutés. Étoffe associée au deuil, elle fut ici utilisée a contrario pour donner vie, à la fois prolongement du corps de la danseuse et relais d’un corps imaginé, presque immatériel, puisque privé de gravité, réceptifs aux impulsions qu’elle lui donne, sensible au vent, récepteur de lumière enfin. Ce dialogue avec la matière pourrait en soi rapprocher son travail de celui des plasticiens présents sur le site, et Cecilia va plus loin en entrelaçant au lieu de la danse, les différents endroits d’exposition des œuvres, un peu comme s’il s’agissait de les délivrer de leur statique. La danse qu’elle produisit ce soir-là était donc aussi un parcours de reliance.
Sensible au lieu comme au contexte de sa performance, elle va commencer par danser « avec » la maison. Une bâtisse ouverte aux courants d’air, puisqu’à ce satde dépourvue de menuiseries, dont les épais murs de pierre et leurs ouvertures, aux ébrasements récepteurs de lumière, lui offre une résistance et une accroche. Elle va donc se confronter physiquement à ces pans verticaux, apparaître, frôler les lisières de lumière, s’y frotter, puis s’en dégager peu à peu. Un second temps sera celui d’une circulation vers les sites d’exposition, le corps en mouvement de la danseuse guidant le regard vers les installations, la peinture, ainsi en l’accompagnant, le public suivant la danseuse, découvre-alors progressivement les œuvres qu’elles soient situées au dehors ou abritées.
Vient enfin un dernier moment d’élévation. Le pré situé sur le versant sud du terrain étant en surplomb, la danse nous invite à une douce ascension. Puis dans l’espace du pré, c’est à sa propre disparition que la danseuse se risque désormais. Par l’immensité de l’espace naturel, sa pente, et ses hautes herbes, autant que par les mouvements de sa danse. Apparaître, disparaître, réapparaître à nouveau. Neuve et rayonnante dans ce doux moment suspendu où le ciel clément n’aura versé qu’une légère ondée.
La dialogue et les interactions que Cecilia Ferrario a souhaité tisser entre les plasticiens, et elle n’est pas de circonstance, le titre qu’elle donne à sa performance le dit explicitement : La rencontre
. C’est donc bien une esthétique de la relation dont il s’agit ici.
Laurent Brunet
La peinture entre parenthèses
Si la pratique artistique de Laurent Brunet est celle de la peinture, la durée brève de la résidence a fait s’imposer la pratique du collage, adaptée à ce projet. Le triptyque s’impose d’emblée qui prend en charge de répondre au thème : En chantier.
Si chaque tableau affirme son indépendance, par sa logique interne, sa composition, et un accord chromatique qui le distinguent des autres, l’articulation entre les trois volets du triptyque révèle une cohérence qu’un regard attentif et rapproché peut décrypter sans la moindre glose. Les tableaux, sur un support en bois au format de 42 x 42 cm, sont fabriqués par la juxtaposition de quatre éléments en bois, métal et des produits synthétiques.
Le dessous du premier tableau est constitué d’une plaque de zinc, en partie rouillée fixée sur le support au moyen de vis, dont les trous ainsi que l’encoche préexistaient. Sur la partie haute, un élément de bois à la découpe parallèle est fixé par l’arrière. Sur ce pan de bois ancien, un réseau de carrés est dessiné au cordeau noir. Un œil familier des chantiers de charpenterie y reconnaîtra un morceau de volige avec ses tracés d’alignement pour les ardoises. En dessous, un morceau de lambris ancien, scié en biseau, vient s’ajuster entre le bas du support et la volige, il est recouvert de peinture écaillée, aux couleurs pastel, bleu, vert et rose. Tandis que ces éléments sont composés selon une grille orthogonale stable, le dernier élément, une ardoise découpée, fixée dans une encoche de bois au moyen d’un clou de charpentier en zinc, est en décalage avec le coin inférieur droit du support, qu’il déborde légèrement, seule entorse au carré, rupture avec une composition maîtrisée.
Le second carré reprend un certain nombre d’éléments du premier tableau. Une pièce de bois dans la partie supérieure, pourvue d’une encoche, recouverte de peinture ancienne bleu ciel. Dessous, un morceau de tissu synthétique noir, sur lequel sont imprimés des caractères, perpendiculaires au plan du support, dont le mot « pluie » nous permet d’identifier ce matériau comme le pare-pluie de nos toitures modernes. Deux formes, l’une en bois aggloméré, l’autre en zinc dont la fonction est plus difficile à identifier, sont recouvertes de dessins au crayon. Sur le premier, le tracé crayonné, parallèle au morceau de bois en forme de toiture, s’avère être une épure de charpentier, autrement dit le modèle, le plan de la charpente. Le dessin en festons, sur le morceau de zinc, est un gabarit pour la découpe des gouttières.
Le dernier tableau de la série, à l’opposé des deux premiers, est exclusivement composé de matériaux neufs, et de fragments d’emballages, provenant tous du chantier. En bas, une planche neuve de bois Douglas, caractérisé par sa couleur rosée, possède la seule découpe courbe du triptyque. En dessous, un morceau de papier de verre noir est collé au support, recouvert d’une poignée en matière plastique, issue d’un emballage, tout comme les morceaux de carton sur la partie gauche. La découpe, et même la suppression de l’adresse d’un site commercial, vise à détourner le sens en ne laissant que les lettres » akro « , jeu de mot dans l’esprit dadaïste. Composition plus acérée, avec la flèche orange pointue, les obliques remplacent les orthogonales.
La totalité des matériaux utilisés pour ces collages ont été récupérés sur le chantier, et mis en ordre selon une progression logique. Le premier tableau est constitué de matériaux de l’ancienne construction. Il témoigne de l’histoire du lieu, presque de son archéologie. Les strates du temps sont déposées là. Le dernier tableau, au contraire, n’a recourt qu’aux matériaux neufs de la rénovation contemporaine, et symbolise le devenir du lieu. Enfin, à l’instar de la tradition du triptyque, le panneau central tient des deux logiques en mêlant des matériaux anciens et contemporains, et surtout, il offre des clefs, puisque les outils du charpentier, présents dans l’œuvre, évoquent le mode opératoire du travail de création d’une toiture. On remarquera que ces outils, le bois et le zinc crayonnés, appartiennent à une ancestrale tradition, font le pont entre tradition et modernité.
Ainsi, pour cette mise entre parenthèses de sa pratique picturale, Laurent Brunet réaffirme, sans pinceau, les enjeux de la peinture, et confirme une évidence déjà ancienne. Si Max Ernst a pu écrire que ce n’est pas la colle qui fait le collage
, d’évidence, ce n’est plus non plus la peinture qui fait la picturalité.
En chantier :
L’art de la rencontre
Laurent Brunet artiste plasticien participant au projet, est également l’hôte de Kergoat et c’est à ce titre qu’il tient à remercier les artistes présents pour cette première résidence à Kergoat et la soirée ouverte au public, d’avoir pu, dans les conditions ingrates d’un chantier en cours, offrir le meilleur d’eux-mêmes et de leurs créations.
Dans les textes dédiés aux quatre créateurs, l’accent est mis sur les pratiques individuelles, hommage à la singularité de chaque langage artistique. Il est temps d’évoquer la synthèse de ce projet, les interactions qui font de cette rencontre un projet collectif et non une simple juxtaposition d’expressions. Tout d’abord, il s’agit d’une création interdisciplinaire. Cecilia Ferrario a conçu dans sa démarche même un principe de liaison, de relations, et d’interactions. Oscar Yana, qui est aussi musicien, nous fit ainsi entendre une musique aux accents proches du free jazz, on peut se souvenir de Gato Barbieri par exemple, qui a accompagné la performance dansée de Cecilia… laquelle s’entrelace à celle, artistique, de Pierre Garel. À plusieurs reprises, ces deux-là vont interagir, tout en gardant, chacun, son autonomie, elle la danseuse, lui, « l’arpenteur ». Pierre va d’ailleurs également interférer avec le public, au moyen de son mètre ruban et de ses relevés métriques improbables. Pendant ce moment de rencontre, le quatrième larron est à la prise de vue photographique. La musicalité et la matière sonore furent présentes à plus d’un titre. Durant cette résidence, les charpentiers étaient à l’ouvrage sur la toiture de la maison, eux aussi ont apporté leur contribution. Le dégagement du chantier pour la soirée a contribué à une perception spacieuse du lieu ainsi qu’à une meilleure circulation des performeurs comme des visiteurs. Leurs outils ont été intégrés dans les compositions de Laurent Brunet, et de là à dire que ses compositions bruissent du travail de couverture, il n’y a qu’un pas. Les bannières d’Oscar claquent au vent, chacune produisant un son différencié par la forme de l’étoffe. Pierre avait conçu de rendre son installation odorante, et le réchaud présent sur son installation suggère la cuisson des graines de néré. Quant à Cecilia, son complice de danse, un long tulle, lui permet de sculpter l’espace, jouant du vent, le vent jouant avec ce couple silencieux. Plus subtilement encore, Cecilia nous a offert une pièce digne de John Cage, une sculpture de silence. Depuis l’introduction rythmée par le souffle musical pacifiant d’Oscar, au passage vers les sites des plasticiens, lorsqu’elle culmine dans le pré, le silence s’est affiné, sonorités des herbes, lumière du soir, voilée de nuages. Le silence, n’est pas une matière inerte, mais sensible, vivante, changeante.
Ne tentons pas de réduire pour autant les singularités artistiques, tant dans leur disposition spatiale, que leurs formes, leur propos, ces propositions plastiques et chorégraphiques revendiquent par ailleurs une forme d’autonomie. La rencontre ne réside pas dans la réduction des différences, au contraire elle porte à incandescence des singularités, en tissant entre celles-ci des connexions, certaines préméditées d’autres improvisées, et d’autres impromptues. Une des guises de la rencontre fut la pièce collective intitulée Pause, un paravent de vieilles planches de bois posées contre le mur est du hangar, qui a reçu la signature des quatre : silhouette de Cecilia, dessinée par Pierre, qui a également enrubanné une planche en écho à son installation, empreintes noires de sabot de porc, d’Oscar, et empreintes digitales colorées de Laurent sur un petit carré, comme emblème de sa peinture.
Un autre aspect important de la rencontre tient à la prise en compte du lieu, une dimension chère à l’hôte du site, dont chacun a tiré la matière propre à son expression artistique. Ainsi, un point commun aux trois productions plastiques tient dans le recyclage de matériaux, d’emprunt d’outils liés au chantier de rénovation écologique. Cecilia, a, quant à elle, circulé et dialogué tant avec l’espace du site, bâti et naturel, qu’avec les productions plastiques.
Rencontre topographique, rencontre humaine autant qu’esthétique, l’art et la création se jouent aussi sur ces terrains-là. En chantier
a inauguré une proposition artistique à Kergoat, tandis que le site même en est au stade de sa rénovation. Le lieu qui a vocation à la création et à la recherche, demeurera emprunt de cette première rencontre, de même, celle-ci nourrira, nous pouvons en faire le vœu, les pratiques à venir des quatre participants.
En chantier – juillet 2014
Le projet
La résidence
Installation In situ & performance publique